lundi 22 septembre 2008

Critiquer, OTAN que faire se peut

Depuis la fin du mois d'août, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord revient sur le devant de la scène internationale. On l'avait connue en état de quasi-léthargie, depuis le sommet de Bucarest, en avril 2008, caractérisé par l'élargissement de l'organisation de 26 à 28, du fait que l'Albanie et la Croatie y ont fait leur entrée. La Grèce, manifestant parfois de ces relents qui fleurent le bon goût antique, a en revanche lancé un bras d'honneur vers l'ancienne République Yougoslave de Macédoine à cause du différend qui les oppose, à savoir l'appellation de "Macédoine" qui n'est pas pour plaire aux Grecs. Comme quoi, tous les moyens sont valables pour embêter ses voisins.
Le gros du morceau de la réunion tenue à Bucarest, outre l'intégration de deux Etats, concernait un éventuel élargissement de la rose des vents vers la région de la Mer Noire. Etaient concernées la Géorgie, l'Ukraine et la Moldavie, supportées dans leur initiative par leurs amis traditionnels tels les Pays Baltes et les Etats-Unis. L'entrée dans l'OTAN exige, de la part d'un pays potentiellement candidat, des réformes complexes en matière de défense et de budget, dont les progrès sont appréciés au fil des réunions de l'organisation. Lorsqu'un Etat souhaite se rapprocher de l'OTAN, il est nécessaire dans un premier temps d'établir un Partenariat pour la Paix (PfP, Partnership for Peace), instrument créé en 1994 en vue de proposer avec les pays partenaires une coopération souple en matière de défense, pour laquelle l'OTAN et le pays intéressé choisissent bilatéralement les domaines à développer. Il s'agit donc d'une première approche en terme de coopération transatlantique, contraignante certes mais dans une mesure bien moindre que le MAP.
Justement, le MAP, Membership Action Plan ou Plan d'Action pour l'Adhésion matérialise la promesse d'entrée délivrée par l'OTAN réunie en sommet à un pays déjà engagé dans le Partenariat pour la Paix. Il s'agit d'une feuille de route dans laquelle sont édictées les réformes économiques, financières et militaires que les gouvernements d'un pays doivent suivre en vue de l'intégration effective dans l'Organisation. Il existe donc autant de MAP que de pays potentiellement candidats, du fait que les critères de modernisation sont différents d'un pays à l'autre. L'Ukraine et la Géorgie, durant le sommet de Bucarest, comptaient sur l'obtention du MAP mais cette discussion a été reportée au prochain sommet de décembre 2008. En effet, la France et l'Allemagne, soucieuses à l'époque de rester en termes cordiaux avec la Russie, s'étaient formellement opposés à ce que les deux Etats obtiennent le MAP. La donne a donc bien changé depuis, spécialement du côté de l'Allemagne qui ne trouve aucune excuse à la Russie pour l'invasion militaire en Géorgie. Le président français, dans un exercice qu'on lui reconnaît volontiers, a d'une part affirmé sa volonté de revenir dans l'OTAN en renforçant le contingent de l'ISAF en Afghanistan, tout en tempérant son désir de voir s'étendre l'Organisation. Renforcement plutôt qu'élargissement, tel était le crédo de la France en avril 2008.
L'OTAN s'est montrée très critique vis-à-vis de l'action de l'Union Européenne durant l'épisode géorgien qui du reste n'est pas terminé. On a taxé l'UE d'avoir manqué de fermeté vis-à-vis de la Russie et de son occupation sur le sol de Géorgie, cette molle fermeté symbolisée par le discours du président Sarkozy énonçant que la Russie disposait d'un droit de protection de ses communautés hors des frontières. Voilà qui n'est visiblement pas passé. Mais que fait l'OTAN ? (variante de "mais que fait la police?") L'Organisation, ne l'oublions pas, a certes une dimension politique car elle est internationale et engage les responsables des Etats à leur plus haut niveau... mais il s'agit avant tout d'une organisation militaire. L'OTAN voit d'un mauvais oeil, à l'instar des Pays Baltes, le développement d'une CFSP (Force Européenne Commune de Sécurité et de Défense) craignant un chevauchement inutile de deux forces internationales de défense, ainsi que des coûts supplémentaires pour les Etats. Les Baltes sont fermes sur ce point, seule l'OTAN peut protéger l'intégrité des territoires des dix ex-satellites de l'URSS, ceux qui au jour d'aujourd'hui se trouvent dans le collimateur de la Russie.
L'Union Européenne n'est certes pas parvenue à se débarrasser d'une timidité (j'euphémise...) vis-à-vis de la Russie, mais je trouve que cette critique est extrêmement mal venue de la part de l'OTAN, qui ces dernières semaines se cache derrière des accusations relativement cinglantes (pour ensuite les démentir) vis-à-vis de l'UE et de la France en particulier, notamment sur la question de l'embuscade dont notre contingent a été victime en Afghanistan. Le journal canadien à l'origine de cette révélation semble maintenir le fait que l'OTAN a laissé fuir quelques critiques. On attendrait de cette dernière qu'elle prenne davantage la responsabilité de ses propos...

2 commentaires:

Bertrand a dit…

Personnellement j'ai du mal à faire l'articulation entre OTAN-Etats-Unis-Union Européenne.

Je suis preneur d'indications bibliographiques d'ailleurs, pas sur les institutions mais sur leurs pratiques et ce qui y est sous-jacent.

Depuis la disparition du Pacte de Varsovie on aurait pu penser que l'OTAN n'avait plus de raison d'être, sauf à considérer la doctrine Brzezinski de dépeçage de l'URSS comme une feuille de route suffisante...ça c'était avant le 11 septembre 2001, depuis l'OTAN a trouvé de nouveaux terrains de combat, en appui aux Américains.

L'OTAN existe-t-elle par elle-même, et quels sont les rapports de force ? Le nouveau Traité de l'Union Européenne ex-Constitution réserve une place à l'OTAN, si ma mémoire est bonne.

Le choix de Sarkozy de réintégrer la France dans l'OTAN peut s'interpréter comme du réalisme plus d'argent pour entretenir une armée digne d'une puissance membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU) ou comme une capitulation.

Bref le sujet m'intéresse mais je suis en plein brouillard !

Julien a dit…

Cher Lambert,
ayant étudié la question de l'élargissement de l'OTAN aux pays d'Europe Centrale et Orientale, je suis en mesure de vous donner quelques repères bibliographiques.
Je ne prétends pas pour autant tout savoir sur ses pratiques, ceci dit, pour en revenir au choix du président français, je ne vois absolument pas la réintégration de la France dans l'OTAN comme une capitulation. Sarkozy, tout comme ne l'étaient pas Chirac et Villepin, est un atlantiste auto-proclamé. Lors de sa visite aux Etats Unis, alors qu'il était encore ministre de l'Interieur/ministre d'Etat, il a clairement indiqué sa position face au discours de non-engagement de la France en Irak, prononcé par DdVillepin en 2003. Depuis, on connaît la teneur de ses discours en faveur du réchauffement des relations franco-américaines et ses opérations de séduction devant le Congrès, soldées d'ailleurs par un franc succès (du point de vue de la presse).

L'OTAN a effectivement connu une crise de légitimité, qui faisait le fonds de commerce de la rhétorique russe dont l'argument principal était à quoi bon se chercher un ennemi alors que la guerre froide est terminée.
C'est à mon avis pour faire son grand retour dans les conflits actuels que l'OTAN, par ses récentes critiques, bouscule les grandes formations internationales par le biais de phrases assassines. L'on n'oubliera pas ce fameux rapport sur le soi-disant manque de préparation du contingent français en Afghanistan, dont l'OTAN continue de démentir l'existence.

Concernant l'UE, elle rêve d'une politique commune de défense à l'envergure de l'OTAN,mais cette dernière veille prudemment sur son développement et pas d'un bon oeil. Autant dire que l'OTAN pousse du coude pour se refaire une place, d'une manière je dirais peu cavalière.