jeudi 9 octobre 2008

Chantage, vous avez dit chantage?

Du côté de Vilnius, les politiques commencent à réellement s'inquiéter du sort de la centrale lituanienne d'Ignalina. Il semble que depuis ces dernières semaines, la question du nucléaire redevient à la mode. Près de cinq ans après avoir ratifié le traité d'adhésion de la Lituanie à l'Union Européenne, il n'est pas exagéré de penser qu'il était temps de s'en inquiéter. On s'active énormément autour de la question, comme si le problème était nouveau et qu'on commençait à s'en préoccuper, tout comme on cherche à satisfaire un besoin naturel.
Alors, on organise des conférences. Le Premier Ministre Gediminas Kirkilas est même parti en tournée dans les pays d'Europe Occidentale pour une opération "touchez pas à ma centrale"; il était à Rome mercredi dernier. Ce n'est qu'au niveau le plus élevé de l'éxécutif qu'on prend ses distances vis-à-vis de ce genre de manoeuvre. Adamkus, sage s'il en est, affiche sa prudence en tentant de dissuader le gouvernement d'aller trop loin dans la récupération du dossier Ignalina. Le Ministre de l'Economie s'est donnée comme étrange mission de tenir ce vendredi un discours à Luxembourg concernant les quotas de CO2 imposés par Bruxelles. Le message est clair, si aucun geste de la part de Bruxelles n'est lancé pour accroître la sécurité énergétique de la Lituanie (comprendre : si Bruxelles n'accepte pas un report de la date de fermeture de la centrale initialement prévue fin 2009), alors la Lituanie "ne pourra pas" respecter ces quotas d'émission. Autrement dit, le green paper européen sera rejeté par Vilnius.
On connaît la crainte qu'inspire Bruxelles aux dirigeants Européens. Tout le monde semble savoir qu'il est quasi-impossible d'avoir Barroso dans sa poche (même Sarkozy le sait), et qu'il suffit de peu pour que Bruxelles lève la voix sur les dossiers économiques des Etats membres. Mais dans le cas présent, la Lituanie s'oriente vers une attaque frontale à l'encontre de Bruxelles. Je m'inquiète sincèrement des conséquences de ce discours ne serait-ce qu'en termes d'images pour la Lituanie. Si Chirac, en son temps, avait quelque peu abusé avec sa petite phrase, on peut dans les circonstances actuelles lui reconnaître un certain crédit, voire un crédit certain.

Ces attaques sans précédent dirigées contre Bruxelles et basées sur la remise en cause des principes fondateurs de l'élargissement n'ont simplement pas de raison d'être. Le tort n'est pas du côté des Lituaniens mais de leurs dirigeants, qui au fil des années ont exposé les citoyens à une situation de plus en plus critique concernant les prix de la consommation d'énergie. Il est aujourd'hui inacceptable que ces mêmes citoyens, qui continueront à payer la note de gaz plus cher du fait d'un manque notoire d'anticipation du gouvernement, soutiennent la passivité du pouvoir. Il est vrai que la Russie, avec sa politique de "si t'as une bonne gueule tu paierais le gaz moins cher", impose à la Lituanie un prix fort. Mais il revient tout de même aux stratèges du pouvoir d'amoindrir les effets de la hausse du prix de l'énergie. Le sujet des dépendances énergétiques n'est pas nouveau, et cela fait déjà plus d'une décennie qu'il est passé des Low Politics aux High Politics. Le gouvernement n'a absolument pas assumé sa responsabilité, ni vis-à-vis des citoyens ni vis-à-vis de l'Europe, d'honorer cette obligation de "passer à autre chose". Sans me rappeler de chiffres exacts, le gouvernement avait par ailleurs sollicité et obtenu de généreux versements de la part de la Commission Européenne en vue de la satisfaction de ce critère d'adhésion.
Bien que je ne sois pas lituanien pour en juger, si je transpose cette situation dans un système où je pourrais m'exprimer, c'est dès l'aurore que je m'en irais sanctionner un gouvernement qui essayerait de me prendre en otage. Le droit de vote, dans de telles circonstances, s'apparenterait davantage à un devoir.

lundi 6 octobre 2008

Cul-Cul la Palin...

Voici celle qui hante les cauchemars des Démocrates... et sans doute ceux de plus en plus de Républicains d'outre-Atlantique, j'ai nommé Sarah Palin. Il est intéressant d'observer que le ticket Républicain, misant sur une féminisation de la chose politique, s'inspire légèrement du camp démocrate, qui a choisi un afro-américain pour briguer sa candidature. En choisissant une femme comme numéro 2, John McCain entendait effectuer un débauchage de masse dans le camp démocrate, en séduisant notamment un public de femmes qui avaient défendu bec et ongles l'épouse Clinton. Il semble donc que les "minorités", si l'on m'autorise l'utilisation de ce terme, sont fortement représentées dans les tickets des deux camps. Si l'on ne peut pas parler de "minorité" lorsqu'on parle des femmes, en revanche les notions de "suffrage féminin", à l'instar des votes "noir" ou "juif", sont pertinentes du point de vue électoral. En choisissant Joe Bidden, le candidat Obama a probablement préféré jouer la carte de la prudence, vis-à-vis d'un électorat encore frileux à l'idée de porter un afro-américain à la Maison Blanche. D'un côté, un équilibre sur le plan paritaire, et de l'autre sur le plan communautaire. Reste à savoir qui des deux vice-présidents potentiels commet le moins de bourdes... Car on en est presque arrivés à comptabiliser les gaffes commises par chacun d'eux. La grossesse prénuptiale de la fille de Palin est en effet venue comme un cheveu sur la soupe, seulement quelques jours après l'annonce surprise du ticket Républicain. C'est que faire joujou avant le mariage, pour des ultra-conservateurs, ça la fout mal. Il a donc fallu s'équiper d'une armée d'agents spécialisés en relations publiques, prononcez "pyyar" à l'américaine, pour amoindrir le choc en terme d'images et par la même, passer la bague au doigt de l'heureux père avant qu'il ait eu le temps de dire ouf. D'autres discours sur la reprise des traques anti-terroristes, l'éradication de l'islamisme fondamental dans ces régions, autant de thèmes que même la Maison Blanche n'ose plus évoquer tant les questions affluent sur la légitimité actuelle de ces guerres. Palin rouvre des sujets douloureux, et se présente comme spécialiste en politique étrangère, car en tant que gouverneure de l'Etat de l'Alaska, la proximité de la Russie fait que! On comprend immédiatement... L'image de la famille américaine, nucléaire et conservatrice affichée par Palin est sans doute l'une de ces vieilles figures allégoriques dont l'Amérique souhaiterait se débarrasser. A en croire les derniers sondages, il faudrait presque un miracle conjoncturel pour que la tendance devienne à nouveau favorable aux Républicains. McCain travaille d'ailleurs à l'exercice de prière, a-t-il récemment indiqué. Mais le faucon, vétéran du VietNam, ne fait pas que des sceptiques à l'extérieur des frontières américaines. Il tend même, parfois, à rassurer.
C'est le cas d'un groupe d'étudiants lituaniens avec lesquels j'ai eu l'occasion de discuter récemment. N'ayant pas encore été engloutis dans la machine universitaire, ils ont en tous les cas le mérite de s'intéresser à des sujets d'envergure internationale et d'en débattre. Ils soulèvent d'ailleurs un paradoxe intéressant : bien qu'Obama rassure dans son approche de la diplomatie, sa culture du dialogue, nombre de Lituaniens préféreraient voir McCain à la Maison Blanche car en tant que vétéran du VietNam - donc homme d'action - il serait le plus à même de défendre les Etats qui ont pris déclaré indépendance de l'URSS. Il s'agit aussi d'une personnalité qui ne mâche pas ses mots vis-à-vis de la Russie...

Alors, quel choix faire? Soutenir l'homme de dialogue, ou bien celui qui court derrière des spectres de terroristes en faisant clinquer ses médailles de guerre? Ces jeunes sont tout à fait conscients du dilemme. Il serait toutefois intéressant de connaître l'opinion d'autres Lituaniens à ce sujet, jeunes comme moins jeunes.

lundi 29 septembre 2008

Rayon de soleil au dessus du CCF.

Vendredi 26 septembre 2008 fut une date marquante pour moi. Pour faire simple, c'est que nous avons eu notre première réunion avec notre nouveau staff culturel. Mon impression première a été positive dans le sens où d'emblée, on a accordé au métier de prof de Français Langue Etrangère un crédit moral qui à haut niveau, est souvent oublié. Bien que je ne fasse pas de cette activité d'enseignement une vocation personnelle, mes ambitions étant ailleurs, je suis reconnaissant à la nouvelle administration du Centre Culturel Français de s'être présentée sous un jour humain. Il serait bien sûr incorrect de ma part de "balancer" sur l'équipe précédente, car l'éthique doit l'emporter sur les démangeaisons, mais tout de même... Je pense qu'un peu d'enthousiasme pour les semaines et mois à venir n'est pas hors de propos, ce qui tend à contraster avec l'impression première que j'avais eue lors de mon arrivée en septembre 2007. A nouveau, je tenterai de mettre à profit mes deux activités ici à Vilnius en proposant une passerelle entre l'Institut de Sciences Politiques de Vilnius et le Centre Culturel Français. En espérant ne pas me tromper, j'ai tendance à penser que, quitte à ce que cela se solde par une décision défavorable, la réponse ne sera pas cette fois habillée d'un inutile mépris.

mercredi 24 septembre 2008

En faut-il peu... pour être heureux?

La question mérite d'être posée, pour la énième fois. Et on la posera encore demain, dans dix, cent ans. La fameuse chanson de l'ours Baloo, tirée de l'interprétation américanisée du chef d'oeuvre littéraire de Rudyard Kipling, porte en elle une réflexion philosophique qui a passionné l'humanité siècle après siècle, celle du bonheur oscillant entre une approche matérialiste et une autre approche qui serait davantage post-matérialiste.
La première approche consisterait à dire que toute source de bonheur est reliée à la possession éventuelle d'un objet concret qui puisse maintenir, sur une ligne temporelle, un état de paix intérieure. On pense immédiatement à l'argent comme illustration de ce point de vue, car il distingue clairement, au sein de la société, ceux qui ont de ceux qui n'ont pas. Ceux qui peuvent, de ceux qui ne peuvent pas. Ceux qui sont, de ceux qui ne sont pas. Avoir, Être, Pouvoir, trois verbes dont les conjugaisons hantent les rêves de nos chers apprenants de français tant elles sont irrégulières, mais trois verbes qui disent tout. Le matérialisme est une notion a priori négative. Dire à quelqu'un qu'il (ou elle, car le féminin peut exister) est matérialiste est très rarement un compliment, qui du reste n'en est pas moins pris comme un reproche. C'est au fond rendre son interlocuteur, ou cutrice, conscient(e) de la solidité du lien entre son être et le monde tangible. Dans cette perspective, si l'on ne peut acheter le bonheur, en tous les cas, on peut se procurer les moyens de ne pas l'éviter. J'utilise à dessein cette litote, ayant à l'esprit l'idée simple que si le bonheur est une finalité qu'on ne peut atteindre, telle la notion "plus l'infini" en mathématiques analytiques, on peut tendre vers elle, disons, "par l'absurde", c'est à dire en se préservant de "moins l'infini" par quelque moyen que ce soit. La santé, le souci de pouvoir manger à sa faim quotidiennement, vivre au chaud, autant de préoccupations que je qualifierais de primaires (sans connotation négative) liées à l'approche matérialiste. Il s'agit de la première strate de la notion de matérialisme, qui, au fond, n'est pas répréhensible du fait qu'elle nous anime tous autant que nous sommes. Ce n'est qu'à partir du moment où le besoin matériel exprimé par l'individu bascule dans la contingence que la connotation négative du concept de matérialisme prend tout son sens. Ce qu'on a tendance à appeler "nos besoins secondaires".
A l'inverse, il est intéressant d'observer que le concept opposé à cette approche n'est pas l'immatérialisme. L'Immatérialisme existe pourtant comme doctrine philosophique ; pour résumer, les disciples de ce concept refusent aux objets leur matière intégrante (les atomes). D'après les philosophes immatérialistes tels Berkeley ou Stuart Mill, ce qui existe, c'est ce que l'on perçoit; ce que l'on ne perçoit pas n'existe pas. La science a bien entendu apporté de claires limites à cette doctrine qui n'en est pas moins intéressante dans la mesure où elle accorde une place prépondérante à nos facultés sensorielles. Quel serait donc le qualificatif exactement inverse à l'appellation négative de matérialiste? La connotation négative deviendrait-elle donc positive, si l'on parvenait à trouver cet adjectif antithétique? Pour transposer ma question dans le domaine des mathématiques, j'appellerai M le concept négatif de matérialiste dont je cherche le concept contraire. Quelle est donc la valeur de (-M), en termes linguistiques? et la valeur de (1/M) ? C'est là ma question qui reste ouverte et dont je ne chercherai, volontairement, à donner quelconque élément de réponse ou proposition. Cette réflexion repose sur une interrogation simple : l'opposé d'un concept philosophique est-il égal à son inverse?
Une chose est certaine : le matérialisme au sens socio-économique du terme, ne s'oppose pas, malgré le suffixe marquant l'oppposition, à l'Immatérialisme qui est une doctrine philosophique.
Nombreux sont les philosophes, économistes et sociologues qui, plutôt que de considérer une opposition du matérialisme à un autre concept dans l'absolu, ont préféré considérer une évolution chronique de la notion de matérialisme vers autre chose, qu'on nommerait le Post-Matérialisme. On trouve ainsi, dans les préfixes "Pré-; Post-", l'idée d'une évolution des concepts. L'approche est donc différente du cas de figure où l'on utiliserait les préfixes "in;im;il;ir" opposant les concepts en ne tenant pas compte du facteur temps. Mais quel est alors le rapport avec le bonheur, sujet initial de notre conversation? J'y viens.
On associe volontiers, parfois naïvement, être heureux et être satisfait. Soit. Ces expressions faisant toutes deux référence à une idée positive, on peut alors tenter le rapprochement. Mais avec parcimonie, s'il vous plaît. N'y voit-on pas, en effet, la différence entre une sensation éphémère correspondant à l'accomplissement d'un acte, et une sensation déjà plus durable, renvoyant vers un état d'esprit à part entière? L'un peut-être la conséquence de l'autre. La satisfaction peut conduire à une certaine forme de bonheur, mais le bonheur conduit-il à une satisfaction? Satis, en latin, signifie "assez". Que celui (ou celle, car le féminin peut exister) qui en a assez d'être heureux me jette la première pierre. On peut en revanche, en avoir assez d'être constamment satisfait... lorsque rien ne nous résiste et, matériellement, lorsque rien ne nous est refusable ni refusé. C'est la mise en abyme du concept de satisfaction, de l'assez dans l'assez, et ceci conduit, à mon sens, partout sauf au bonheur. Ce qui me fait conclure cette partie sur l'idée que bonheur et satisfaction sont de faux jumeaux.
Se satisfaire, c'est répondre à des besoins ponctuels. On peut se satisfaire et être satisfait cinquante fois dans la journée. La satisfaction est un phénomène à mon sens quantifiable, alors que le bonheur, pour reprendre une approche scientifique, est binaire. 1 ou 0. Reste à savoir comment l'esprit humain arrange la métaphore précédente et son réseau de connexions : à quoi correspondent 1 et 0 ? C'est une question qui appartient à un autre débat. Mais peut-on affirmer avoir été heureux trois ou X fois dans la semaine? De mon point de vue, satisfaction et bonheur s'inscrivent dans des échelles temporelles distinctes, les frontières du premier concept me paraissant plus nettes que celles du second.
C'est ainsi que la satisfaction, à mon sens, relève davantage d'une approche matérialiste. Qu'on satisfasse un besoin nécessaire ou contingent, ou qu'on ne le satisfasse pas d'ailleurs, cela met en jeu une période temporelle de jubilation relativement bien délimitée, à son commencement comme à sa fin, la fin correspondant au moment où le niveau de désir s'est complètement amenui. Les sensations éphémères de satisfaction pourraient être appelés des "petits bonheurs" et il est intéressant de voir qu'une accumulation successive de petits bonheurs, comme nous l'avons vu plus haut (lorsqu'il s'agissait de voir qu'on peut connaître le sentiment de satisfaction cinquante fois dans une journée) ne conduit en aucun cas à un bonheur linéaire. Qui a dit que les petits ruisseaux faisaient les grandes rivières? Placer bout-à-bout des sensations de satisfaction, c 'est accumuler une suite de sensations qui se soldent par l'interjection "assez!". On comprend donc que ceci est strictement incompatible avec la notion de bonheur linéaire, qu'on exprimerait, si vous me le permettez, au biais de l'interjection "encore!".
Je vous invite maintenant à écouter une chanson, avant de poursuivre la lecture de ce post. Comme elle ne se lance pas automatiquement à l'affichage de cette page, il ne vous reste qu'à cliquer sur le bouton que vous savez.
Cette chanson, à mon sens, dit tout sur le concept de bonheur et les malentendus qui s'y apparentent. Malentendu dans la mesure où le bonheur que l'on cherche ne correspond pas, voire ne correspond plus à celui qui nous est offert, comme une sorte d'incompréhension sur le marché du bonheur, entre la demande et l'offre... Souchon marque ici un point intéressant, celui d'un virage, d'une transformation de nos besoins. Nous, attirés par les étoiles [et] les voiles, sommes en quête de nouveaux rêves, d'idéaux, de concepts qu'on n'achète pas. Et fort heureusement d'ailleurs. L'impression que me donne ce texte, c'est que l'offre a toujours un métro de retard par rapport à la demande. Cette offre, qui considère que tout ce qui s'apparente au bonheur ou qui tend vers lui possède son propre code barre. Il faut en effet voir comme on nous parle, lorsqu'on nous ferait presque culpabiliser sur le fait d'avoir encore quelques rêves que l'argent, aussi puissant soit-il, ne parviendrait à nous enlever. On nous aura bien fait comprendre que pour tout le reste, il y a Mastercard, et c'est fort regrettable pour les gens qui n'ont que des rêves comme titres de propriété. Le virage auquel je faisais allusions, quelques lignes plus haut au sujet de la chanson de Souchon, est celui qu'emprunte une société marquée par l'ultra-consumérisme, pour se diriger vers des valeurs plus saines, concernant la qualité de la vie. Passer du concept d' avoir plus à celui de vivre mieux.
Les valeurs telles que le respect de l'environnement, le développement durable, le féminisme, sont des valeurs dites post-matérialistes dans la mesure où les préoccupations qu'elles soulèvent ne sont pas directement liées à des questions d'ordre socio-économique pour les consommateurs que nous sommes. L'émancipation des femmes dans une société donnée, d'un point de vue marketing, c'est très difficile à récupérer de manière concrète et directe. On imagine mal une chaîne de grande distribution encourager les femmes à briser les leurs, de façon purement désintéressée. L'environnement, quant à lui, coûte bien plus qu'il ne rapporte sur le court terme. Même les grandes firmes pétrolières, dans leur stratégie de communication visuelle, ont récemment fait apparaître une palette de couleurs froides (nuances de bleu et de vert, symboles de pureté et de nature) alors que les couleurs chaudes, symbole d'activité, se font plus discrètes. L'Institut Français du Pétrole, l'IFP, n'a-t-il pas tendance à cacher l'origine de son sigle derrière des notions plus propres (Innovation, Energie, Environnement)?
Ces valeurs post-modernes encouragent davantage à s'interroger sur la qualité réelle de la vie - donc sur la recherche d'un certain bonheur, voire d'un bonheur certain pour les plus optimistes - et ont le mérite de nous éloigner, reste à savoir pour combien de temps, de notre obsession du verbe avoir. Elles ne parviendraient finalement qu'à satisfaire notre besoin de voir autre chose que du chiffre à tout va.. Mais n'avons-nous pas lu quelque part que le bonheur est tout sauf une suite de satisfactions accumulées? A mon sens, la boucle est bouclée.

lundi 22 septembre 2008

Critiquer, OTAN que faire se peut

Depuis la fin du mois d'août, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord revient sur le devant de la scène internationale. On l'avait connue en état de quasi-léthargie, depuis le sommet de Bucarest, en avril 2008, caractérisé par l'élargissement de l'organisation de 26 à 28, du fait que l'Albanie et la Croatie y ont fait leur entrée. La Grèce, manifestant parfois de ces relents qui fleurent le bon goût antique, a en revanche lancé un bras d'honneur vers l'ancienne République Yougoslave de Macédoine à cause du différend qui les oppose, à savoir l'appellation de "Macédoine" qui n'est pas pour plaire aux Grecs. Comme quoi, tous les moyens sont valables pour embêter ses voisins.
Le gros du morceau de la réunion tenue à Bucarest, outre l'intégration de deux Etats, concernait un éventuel élargissement de la rose des vents vers la région de la Mer Noire. Etaient concernées la Géorgie, l'Ukraine et la Moldavie, supportées dans leur initiative par leurs amis traditionnels tels les Pays Baltes et les Etats-Unis. L'entrée dans l'OTAN exige, de la part d'un pays potentiellement candidat, des réformes complexes en matière de défense et de budget, dont les progrès sont appréciés au fil des réunions de l'organisation. Lorsqu'un Etat souhaite se rapprocher de l'OTAN, il est nécessaire dans un premier temps d'établir un Partenariat pour la Paix (PfP, Partnership for Peace), instrument créé en 1994 en vue de proposer avec les pays partenaires une coopération souple en matière de défense, pour laquelle l'OTAN et le pays intéressé choisissent bilatéralement les domaines à développer. Il s'agit donc d'une première approche en terme de coopération transatlantique, contraignante certes mais dans une mesure bien moindre que le MAP.
Justement, le MAP, Membership Action Plan ou Plan d'Action pour l'Adhésion matérialise la promesse d'entrée délivrée par l'OTAN réunie en sommet à un pays déjà engagé dans le Partenariat pour la Paix. Il s'agit d'une feuille de route dans laquelle sont édictées les réformes économiques, financières et militaires que les gouvernements d'un pays doivent suivre en vue de l'intégration effective dans l'Organisation. Il existe donc autant de MAP que de pays potentiellement candidats, du fait que les critères de modernisation sont différents d'un pays à l'autre. L'Ukraine et la Géorgie, durant le sommet de Bucarest, comptaient sur l'obtention du MAP mais cette discussion a été reportée au prochain sommet de décembre 2008. En effet, la France et l'Allemagne, soucieuses à l'époque de rester en termes cordiaux avec la Russie, s'étaient formellement opposés à ce que les deux Etats obtiennent le MAP. La donne a donc bien changé depuis, spécialement du côté de l'Allemagne qui ne trouve aucune excuse à la Russie pour l'invasion militaire en Géorgie. Le président français, dans un exercice qu'on lui reconnaît volontiers, a d'une part affirmé sa volonté de revenir dans l'OTAN en renforçant le contingent de l'ISAF en Afghanistan, tout en tempérant son désir de voir s'étendre l'Organisation. Renforcement plutôt qu'élargissement, tel était le crédo de la France en avril 2008.
L'OTAN s'est montrée très critique vis-à-vis de l'action de l'Union Européenne durant l'épisode géorgien qui du reste n'est pas terminé. On a taxé l'UE d'avoir manqué de fermeté vis-à-vis de la Russie et de son occupation sur le sol de Géorgie, cette molle fermeté symbolisée par le discours du président Sarkozy énonçant que la Russie disposait d'un droit de protection de ses communautés hors des frontières. Voilà qui n'est visiblement pas passé. Mais que fait l'OTAN ? (variante de "mais que fait la police?") L'Organisation, ne l'oublions pas, a certes une dimension politique car elle est internationale et engage les responsables des Etats à leur plus haut niveau... mais il s'agit avant tout d'une organisation militaire. L'OTAN voit d'un mauvais oeil, à l'instar des Pays Baltes, le développement d'une CFSP (Force Européenne Commune de Sécurité et de Défense) craignant un chevauchement inutile de deux forces internationales de défense, ainsi que des coûts supplémentaires pour les Etats. Les Baltes sont fermes sur ce point, seule l'OTAN peut protéger l'intégrité des territoires des dix ex-satellites de l'URSS, ceux qui au jour d'aujourd'hui se trouvent dans le collimateur de la Russie.
L'Union Européenne n'est certes pas parvenue à se débarrasser d'une timidité (j'euphémise...) vis-à-vis de la Russie, mais je trouve que cette critique est extrêmement mal venue de la part de l'OTAN, qui ces dernières semaines se cache derrière des accusations relativement cinglantes (pour ensuite les démentir) vis-à-vis de l'UE et de la France en particulier, notamment sur la question de l'embuscade dont notre contingent a été victime en Afghanistan. Le journal canadien à l'origine de cette révélation semble maintenir le fait que l'OTAN a laissé fuir quelques critiques. On attendrait de cette dernière qu'elle prenne davantage la responsabilité de ses propos...

jeudi 18 septembre 2008

(in)sécurité énergétique

La Lituanie, à l'instar de nombreux pays européens qui ont fait leur entrée dans l'Union européenne lors de la plus grande vague d'élargissement de son Histoire, se retrouve dans une situation de plus en plus critique sur le plan de l'énergie. Hormis quelques sites géographiques dans lesquels on peut capter une énergie géothermique - quoique dans des proportions très modestes, même trop à l'échelle du pays - l'Etat Lituanien file droit vers la dépendance énergétique quasi totale vis-à-vis de la Russie, du fait de l'arrêt programmé, l'an prochain, de sa fameuse centrale nucléaire de fabrication soviétique ( 2 tranches de type RBMK) située non loin de la paisible ville d'Ignalina.
Des initiatives de court terme ont certes été prises pour pallier la fermeture définitive de la centrale : on pense au pont éléctrique reliant la Lituanie à la Pologne, projet qui paradoxalement requiert des deux parties un travail de concertation acharné - car les minutes sont comptées - mais qui traîne, et traîne encore... D'autres pays ultra-démocratiques tels que la Biélorussie ou même la Russie ont multiplié des propositions envers la Lituanie, reste à savoir s'il s'agissait ou non de taquiner les autorités lituaniennes. L'exemple de proposition de projet de centrale nucléaire à Kaliningrad, avancé par la Russie, a dû susciter quelques rires jaunes à la chancellerie du gouvernement lituanien. Il faut tout de même le reconnaître : les gouvernements lituaniens ont très mal géré le dossier Ignalina. Présenté comme une promesse en vue d'obtenir le ticket d'entrée à l'UE, le démantèlement de la centrale (dont la première tranche a été arrêtée en 2005) a été appréhendé par Bruxelles comme un condition sine qua non de l'intégration de la Lituanie dans le projet UE25 en vue de l'élargissement de 2004. Depuis, des discussions ont eu lieu, Areva s'est notamment rendu sur place, de même que l'ancien patron d'Electricité de France, Jean-François Roussely... Mais depuis, rien de concret. Pas même un appel d'offre pour tenter d'assurer la relève sur le même site.
J'ai donc un soupçon sur le fait que le gouvernement lituanien, associé à des groupes de pression, aient spéculé sur une éventuelle souplesse de la part de Bruxelles, qui aux dernières nouvelles se montre toujours aussi intransigeante sur la possibilité d'un report de l'arrêt complet de la production d'électricité à Ignalina. Quoique le dossier d'indépendance énergétique a fait parler de la Lituanie au cours des dernières 24 heures, du fait que le président de la Commission Européenne, M. Barroso, a promis au premier ministre Gediminas Kirkilas de contribuer, à hauteur de 25 millions d'euros, à améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments lituaniens.
Installé dans le centre de Vilnius, j'occupe un appartement en colocation dans un quartier relativement favorisé mais où le gaspillage énergétique est consternant. Les systèmes centralisés de chauffage font les choux gras des entreprises de distribution d'énergie durant la saison hivernale, établie entre novembre et avril. Les charges ajoutées au loyer atteignent souvent 500, 600 litas par mois soit presque 180 euros durant les mois les plus froids de l'année. Une hausse de 50% du prix de l'énergie est d'ailleurs attendue pour cet hiver. On peut attendre des prochaines élections que le sujet énergétique soit la pierre angulaire des discours de campagne, de tous bords...
L'ancien président Rolandas Paksas, destitué de ses fonctions en 2004 par une motion de défiance pour avoir révélé à un financier russe quelques secrets d'Etat, avait été l'un des premiers à lancer l'idée d'un référendum sur le démantèlement de la Centrale d'Ignalina. Sur l'instant, cette mesure fut qualifiée de "populiste" par ses opposants politiques. Au jour d'aujourd'hui, pourtant, le référendum est bien d'actualité. Kirkilas, lui-même, bien qu'il ait assuré à José Manuel Barroso que son pays n'entendait pas abandonner officiellement la promesse du démantèlement, en appelle tout de même à la clémence de Bruxelles. A suivre attentivement....

lundi 15 septembre 2008

Al Khobar - Vilnius, et autres contrastes.

Comme je l'ai laissé entendre dans mon billet d'ouverture, j'ai accumulé plusieurs casquettes depuis mon installation à Vilnius à la fin août 2007. Il s'agissait d'un projet que je préparais depuis Janvier 2007, lorsqu'en naviguant sur un site spécialisé dans les aides aux études à l'étranger, je me suis rendu compte qu'il était possible de partir étudier à Vilnius avec une bourse d'études pour une durée d'un an. Restait donc à construire le projet d'études et à le relier au parcours acquis précédemment, et du fait que mon cursus antérieur est celui d'un étudiant en Lettres et Langues, il était périlleux de créer un raccord avec les sciences politiques mais cela s'est fait. Je me trouvais, au moment de la constitution de mon dossier, en Arabie Saoudite où je m'occupais du fonctionnement d'un centre français détaché de l'ambassade de France, dans la région Est (Ash Sharqiyah). Je devais rentrer en France en juin 2007.

La préparation à l'après-Saudi a pris du temps. Lorsqu'on est volontaire international dans l'administration publique, on a assez vite fait d'être oublié par l'institution qui nous a employé. Lors d'un passage en Lituanie en octobre 2006, j'avais laissé un Curriculum Vitae, un peu par hasard, au Centre Culturel Français de Vilnius alors que l'idée de m'y installer ne trottait pas encore dans mon esprit. J'étais en effet en période de congé, j'avais soutenu à Orléans, quelques semaines plus tôt, un rapport de stage concernant la première partie de mon séjour en Arabie. Là-bas, le mois du Ramadan avait déjà commencé, une période relativement difficile pour les étrangers non-musulmans du fait que les restaurants sont fermés en journée jusqu'à l'appel à la prière Maghreb, autrement dit le coucher du soleil. Il est également strictement interdit de s'afficher publiquement en train de consommer quelconque aliment. Pour pallier à la faim, nombre de musulmans prennent un petit déjeuner copieux et mâchent, durant la journée, un bâton de réglisse. La meilleure solution pour moi était simplement de m'absenter durant une partie de ce Ramadan, qui malgré tout est une fête joyeuse au quotidien, rythmée au fil des longues prières qu'il exige des fidèles.
J'ai donc laissé mon CV au responsable pédagogique du Centre Français, qui pratiquement un an après, a aimablement choisi de me faire confiance en m'intégrant dans l'équipe de profs du centre. Lorsque je suis rentré d'Arabie, au lieu de me poser à Paris comme le prévoyait le contrat du volontaire international, c'est finalement vers Vilnius que je me suis dirigé, via Francfort. J'avais déjà quelques documents à remettre au ministère lituanien de l'Education en vue de recevoir la bourse d'études. Dans le même temps, c'était une très bonne occasion de revoir la personne de qui j'entendais me rapprocher davantage, cette fois géographiquement.
De la Péninsule Arabique aux Pays Baltes, la transition promettait d'être abrupte. Changement de climat, d'environnement culturel, religieux, le mot-clé de cette transition était le changement, effectivement. Ceci dit, je n'en ai pas reconnu les effets immédiatement. La nostalgie de "l'époque saoudienne" qui, je tiens à le préciser, n'est absolument pas incompatible avec un certain confort de vie en Lituanie, s'est fait ressentir plus tard, lorsque j'ai commencé à prendre de sérieuses marques dans ma vie quotidienne à Vilnius. Sur ce point, je suis absolument incompris, même par mes plus proches, mais je l'assume. Comment est-il possible de ressentir un manque, particulièrement lorsque ce manque est relié à une destination obscure, difficile, lointaine. L'Arabie, c'est ailleurs. c'est autrement. C'est... et puis j'en ai assez de me justifier. Malgré un quotidien tendu sur place, je suis reconnaissant à cet environnement géographique et humain de m'avoir tant enseigné là où je n'attendais aucune leçon de morale. Ceci ne s'étant pas encore produit en Lituanie, je reste dans l'attente tout en caressant cette nostalgie de l'expérience singulière...