jeudi 9 octobre 2008

Chantage, vous avez dit chantage?

Du côté de Vilnius, les politiques commencent à réellement s'inquiéter du sort de la centrale lituanienne d'Ignalina. Il semble que depuis ces dernières semaines, la question du nucléaire redevient à la mode. Près de cinq ans après avoir ratifié le traité d'adhésion de la Lituanie à l'Union Européenne, il n'est pas exagéré de penser qu'il était temps de s'en inquiéter. On s'active énormément autour de la question, comme si le problème était nouveau et qu'on commençait à s'en préoccuper, tout comme on cherche à satisfaire un besoin naturel.
Alors, on organise des conférences. Le Premier Ministre Gediminas Kirkilas est même parti en tournée dans les pays d'Europe Occidentale pour une opération "touchez pas à ma centrale"; il était à Rome mercredi dernier. Ce n'est qu'au niveau le plus élevé de l'éxécutif qu'on prend ses distances vis-à-vis de ce genre de manoeuvre. Adamkus, sage s'il en est, affiche sa prudence en tentant de dissuader le gouvernement d'aller trop loin dans la récupération du dossier Ignalina. Le Ministre de l'Economie s'est donnée comme étrange mission de tenir ce vendredi un discours à Luxembourg concernant les quotas de CO2 imposés par Bruxelles. Le message est clair, si aucun geste de la part de Bruxelles n'est lancé pour accroître la sécurité énergétique de la Lituanie (comprendre : si Bruxelles n'accepte pas un report de la date de fermeture de la centrale initialement prévue fin 2009), alors la Lituanie "ne pourra pas" respecter ces quotas d'émission. Autrement dit, le green paper européen sera rejeté par Vilnius.
On connaît la crainte qu'inspire Bruxelles aux dirigeants Européens. Tout le monde semble savoir qu'il est quasi-impossible d'avoir Barroso dans sa poche (même Sarkozy le sait), et qu'il suffit de peu pour que Bruxelles lève la voix sur les dossiers économiques des Etats membres. Mais dans le cas présent, la Lituanie s'oriente vers une attaque frontale à l'encontre de Bruxelles. Je m'inquiète sincèrement des conséquences de ce discours ne serait-ce qu'en termes d'images pour la Lituanie. Si Chirac, en son temps, avait quelque peu abusé avec sa petite phrase, on peut dans les circonstances actuelles lui reconnaître un certain crédit, voire un crédit certain.

Ces attaques sans précédent dirigées contre Bruxelles et basées sur la remise en cause des principes fondateurs de l'élargissement n'ont simplement pas de raison d'être. Le tort n'est pas du côté des Lituaniens mais de leurs dirigeants, qui au fil des années ont exposé les citoyens à une situation de plus en plus critique concernant les prix de la consommation d'énergie. Il est aujourd'hui inacceptable que ces mêmes citoyens, qui continueront à payer la note de gaz plus cher du fait d'un manque notoire d'anticipation du gouvernement, soutiennent la passivité du pouvoir. Il est vrai que la Russie, avec sa politique de "si t'as une bonne gueule tu paierais le gaz moins cher", impose à la Lituanie un prix fort. Mais il revient tout de même aux stratèges du pouvoir d'amoindrir les effets de la hausse du prix de l'énergie. Le sujet des dépendances énergétiques n'est pas nouveau, et cela fait déjà plus d'une décennie qu'il est passé des Low Politics aux High Politics. Le gouvernement n'a absolument pas assumé sa responsabilité, ni vis-à-vis des citoyens ni vis-à-vis de l'Europe, d'honorer cette obligation de "passer à autre chose". Sans me rappeler de chiffres exacts, le gouvernement avait par ailleurs sollicité et obtenu de généreux versements de la part de la Commission Européenne en vue de la satisfaction de ce critère d'adhésion.
Bien que je ne sois pas lituanien pour en juger, si je transpose cette situation dans un système où je pourrais m'exprimer, c'est dès l'aurore que je m'en irais sanctionner un gouvernement qui essayerait de me prendre en otage. Le droit de vote, dans de telles circonstances, s'apparenterait davantage à un devoir.

lundi 6 octobre 2008

Cul-Cul la Palin...

Voici celle qui hante les cauchemars des Démocrates... et sans doute ceux de plus en plus de Républicains d'outre-Atlantique, j'ai nommé Sarah Palin. Il est intéressant d'observer que le ticket Républicain, misant sur une féminisation de la chose politique, s'inspire légèrement du camp démocrate, qui a choisi un afro-américain pour briguer sa candidature. En choisissant une femme comme numéro 2, John McCain entendait effectuer un débauchage de masse dans le camp démocrate, en séduisant notamment un public de femmes qui avaient défendu bec et ongles l'épouse Clinton. Il semble donc que les "minorités", si l'on m'autorise l'utilisation de ce terme, sont fortement représentées dans les tickets des deux camps. Si l'on ne peut pas parler de "minorité" lorsqu'on parle des femmes, en revanche les notions de "suffrage féminin", à l'instar des votes "noir" ou "juif", sont pertinentes du point de vue électoral. En choisissant Joe Bidden, le candidat Obama a probablement préféré jouer la carte de la prudence, vis-à-vis d'un électorat encore frileux à l'idée de porter un afro-américain à la Maison Blanche. D'un côté, un équilibre sur le plan paritaire, et de l'autre sur le plan communautaire. Reste à savoir qui des deux vice-présidents potentiels commet le moins de bourdes... Car on en est presque arrivés à comptabiliser les gaffes commises par chacun d'eux. La grossesse prénuptiale de la fille de Palin est en effet venue comme un cheveu sur la soupe, seulement quelques jours après l'annonce surprise du ticket Républicain. C'est que faire joujou avant le mariage, pour des ultra-conservateurs, ça la fout mal. Il a donc fallu s'équiper d'une armée d'agents spécialisés en relations publiques, prononcez "pyyar" à l'américaine, pour amoindrir le choc en terme d'images et par la même, passer la bague au doigt de l'heureux père avant qu'il ait eu le temps de dire ouf. D'autres discours sur la reprise des traques anti-terroristes, l'éradication de l'islamisme fondamental dans ces régions, autant de thèmes que même la Maison Blanche n'ose plus évoquer tant les questions affluent sur la légitimité actuelle de ces guerres. Palin rouvre des sujets douloureux, et se présente comme spécialiste en politique étrangère, car en tant que gouverneure de l'Etat de l'Alaska, la proximité de la Russie fait que! On comprend immédiatement... L'image de la famille américaine, nucléaire et conservatrice affichée par Palin est sans doute l'une de ces vieilles figures allégoriques dont l'Amérique souhaiterait se débarrasser. A en croire les derniers sondages, il faudrait presque un miracle conjoncturel pour que la tendance devienne à nouveau favorable aux Républicains. McCain travaille d'ailleurs à l'exercice de prière, a-t-il récemment indiqué. Mais le faucon, vétéran du VietNam, ne fait pas que des sceptiques à l'extérieur des frontières américaines. Il tend même, parfois, à rassurer.
C'est le cas d'un groupe d'étudiants lituaniens avec lesquels j'ai eu l'occasion de discuter récemment. N'ayant pas encore été engloutis dans la machine universitaire, ils ont en tous les cas le mérite de s'intéresser à des sujets d'envergure internationale et d'en débattre. Ils soulèvent d'ailleurs un paradoxe intéressant : bien qu'Obama rassure dans son approche de la diplomatie, sa culture du dialogue, nombre de Lituaniens préféreraient voir McCain à la Maison Blanche car en tant que vétéran du VietNam - donc homme d'action - il serait le plus à même de défendre les Etats qui ont pris déclaré indépendance de l'URSS. Il s'agit aussi d'une personnalité qui ne mâche pas ses mots vis-à-vis de la Russie...

Alors, quel choix faire? Soutenir l'homme de dialogue, ou bien celui qui court derrière des spectres de terroristes en faisant clinquer ses médailles de guerre? Ces jeunes sont tout à fait conscients du dilemme. Il serait toutefois intéressant de connaître l'opinion d'autres Lituaniens à ce sujet, jeunes comme moins jeunes.