jeudi 11 septembre 2008

La fine équipe du 11

Ce billet fait écho à une controverse de type franco-française, sur laquelle j'ai pris le temps de réfléchir un peu avant de réagir, craignant que les parasites émotionnels n'affectent mon point de vue. Autant l'annoncer de suite, ceci n'a rien à voir avec les Pays Baltes.
Nous avons en France une relation au comique tout à fait singulière. Citez-moi un comique français qui se soit essayé à la chose politique sans s'être planté... Vous m'épargnerez le cas de Coluche, qui pour s'être planté, s'est planté au premier sens du terme... dans un camion. Triste exemple, malheureusement, que celui d'une personne qui entendait sincèrement briser quelques vieilles conventions.

Dieudonné, dont on oublie peu à peu la carrière d'humoriste (pas par notre faute, ceci dit), qui éprouve un mal dingue à contenir un "antisionisme"- dixit - exacerbé. Il est loin le temps de Cohen et Bokassa joués par les deux acolytes qui alimentent et démentent, alternativement, les rumeurs de reformation du duo comique. Il est loin ce fameux sketch, absolument hilarant, sur l'équipe du 11 septembre dans laquelle l'humoriste dépeint l'organisation des attentats par une bande de bras cassés. C'était pourtant en 2003. En voici la vidéo :

Ce temps là est donc révolu. Il est pourtant difficile de concevoir la vitesse à laquelle la réputation de l'humoriste est parvenue à basculer aux antipodes de notre estime. La presse n'étant pas tout à fait innocente non plus dans ce travail de calomnie, elle est ainsi la première à aller titiller le papa de la filleule de Neunoeil pour qu'il nous fasse une nouvelle sortie sur le thème d'Israël ou du peuple juif. Ou bien, faire de son fonds de commerce favori, le servage des populations africaines durant le commerce triangulaire, le fer de lance d'attaques qu'on ne remarque plus, du reste. Ainsi Dieudonné promet-il des jours heureux à la théorie du complot.

Sur le thème du 11 septembre, d'autres humoristes ont multiplié les pirouettes plus ou moins drôles, je me rappelle par exemple d'une petite phrase de Christophe Alévêque qui vaut ce qu'elle vaut : [A la différence des USA], "nous avons encore toutes nos tours". Décevant de la part d'Alévêque qui nous a habitués à des "subtilités plus subtiles", passez-moi l'expression.

Dans le style Bulldozer de l'humour, ceux qui appellent un chat un chat (reste à savoir si le masculin est pertinent) comme le fait Jean Marie Bigard grâce à la richesse reconnue de sa palette d'expression, sont connus pour faire dans le gros et le gras. Il faut un public pour tout. Vendredi dernier, il a défendu à l'instar de Marion Cotillard la thèse du complot dans les attentats ayant touché le Pentagone en septembre 2001. Mais maintenant on le sait, ce n'est plus un mythe - si tant est que c 'en fût un - Bigard n'a jamais décroché d'Oscar pour quoique ce soit! Trève de plaisanterie.

Soutenir une thèse qui n'a pas été prouvée scientifiquement - alors que la thèse adverse, donnée pour "officielle", ne repose non plus sur quelque preuve matérielle n'a rien de répréhensible. Il y a ceux qui soutiennent la théorie évolutionniste, et d'autres la théorie créationniste. Le débat existe, il est d'ailleurs intéressant. La science tend à montrer qu'une approche est plus valable que l'autre, soit. Ceci dit, lorsque la presse s'insurge contre les propos de Bigard (qui s'exprime sur la chose comme il le fait en humour, cest-à-dire maladroitement à mon sens), elle n'y va pas de main morte et écarte l'idée de la possibilité d'un débat. Le mot qui revient tel un leitmotiv, c'est le dérapage. Le Parisien titrait "Quand Bigard dérape", Nouvelobs quant à lui arbore en titre "Bigard dérape sur les attentats du 11 septembre" et France-Soir (un journal jaune s'il en est) et sa fine équipe de stagiaires Jeun's titrent "Bigard dérape grave".

C'est qu'on a tendance à refuser à quelque non-expert en investigation qu'il vienne s'exprimer librement sur un média. Les arguments qu'il donnait n'étaient certes pas des arguments, mais plutot du concentré de "Des tas d'experts ont dit que", mais ceci ne justifie en rien l'appellation de dérapage. Aller à contre-courant des idées officielles, dans les médias français, est toujours passible d'un jugement donné par le quatrième pouvoir. J'en suis le premier attristé. Toi Bigard qui ne me fais plus rire, tu as eu le mérite de soulever - sans l'avoir fait exprès, toutefois - un des grands vice du journalisme français, à savoir la timide acceptation des idées non conformes.

3 commentaires:

Bertrand a dit…

Bonjour Julien,
Attention à ne pas faire l'amalgame entre antisémitisme et antisionisme, tout en n'étant bien sûr pas dupe que des antisémites se "planquent" derrière l'antisionisme. Israël est un Etat aussi critiquable qu'un autre, y compris sur ses fondements ou le sort qu'il réserve à ses minorités.

En France il y a des lois assez strictes réprimant l'incitation à la haine raciale, la diffamation à raison de l'origine d'un individu ou un groupe, ainsi que la négation des crimes punis par le Tribunal de Nuremberg.

Une variante de la loi française réprimant l'incitation à la haine raciale existe aussi en Lituanie puisqu'une règlementation a été prise au niveau européen.
Tout ce qui ne contrevient pas à ces lois devrait être autorisé...en principe. Dans la réalité nous savons que ce n'est pas le cas. Raison de plus pour être rigoureux avant de stigmatiser tel ou tel courant de pensée, même s'il n'est pas politiquement correct.

Autrement, ravi d'avoir appris l'existence de ton blog grâce à ton post sur le blog de Gilles.

Au plaisir de faire ta connaissance à l'occasion.

Julien a dit…

Cher Lambert,

merci pour ces précisions. Je suis absolument d'accord avec toi sur la nette distinction entre antisémitisme et antisionisme, qui est un concept politique plus ancien que la création de l'Etat d'Israel. Au temps du Gaon de Vilna (qui a lancé le courant sioniste dans ce qu'on appelle la Lituanie contemporaine) on trouvait déjà des antisionistes dans les courants des "Lumières" tels la Haskala.

Ceci dit je prends le soin de ne pas me ranger derrière Dieudonné qui exprime à mon avis très mal cette distinction. Avec sa tendance à prendre un mot pour un autre, je me vois difficilement considérer Dieudonné comme une personne parlant de ce qu'elle connaît et je pense sincèrement qu'il se cache derrière le concept d'antisionisme pour exprimer autre chose. En tous les cas, je ne roule pour personne, ni le CRIF ni la LICRA et je ne porte ni croix, croissant de lune ou kippa.

Au regard du message que tu as écrit sur les aspects juridiques de la diffamation et de la haine raciale, peut etre ai-je laissé quelque propos ambigu dans mon message? il ne concernait pourtant que le point de vue d'humoristes sur les attentats du 11.

Merci de ton message, a une prochaine sans doute.

Bertrand a dit…

Je suis absolument d'accord avec toi sur Dieudonné, mais j'ai réagi parce que tu tenais des propos assez généraux, et que le débat a été explosif cet été en France avec le départ du dessinateur Siné de Charlie Hebdo en suite d'un texte controversé qu'il y avait publié sur le fondement d'une rumeur de conversion au judaïsme d'un fils de Nicolas Sarkozy à des fins matrimoniales.
Je regrette personnellement que les humoristes aient perdu beaucoup de marge de manoeuvre dans leur liberté d'expression depuis les années 70.

Bon, tout ça n'a rien à voir avec la Lituanie. Il y aurait matière à parler du racisme et de l'antisémitisme sur l'internet et dans la presse lituaniennes, mais comme le post est sur les humoristes ce sera pour une autre fois !